(intro)

« Nathanaël ? » Sylvain répéta une nouvelle fois son appel, mais le Matoufeu faisait la sourde oreille. Il était beaucoup plus intéressé par la couleur de son petit-déjeuner que par la lettre de menace que son partenaire venait de lui glisser sous les yeux. « Nathanaël, veux-tu bien...?
- Je suis occupé, » marmonna-t-il pour éviter la question, tout en reprenant sa mastication inutilement lente de la salade de baies préparée par Orina. « Tu vois pas que je mange ? » Sylvain agita le message à côté de l'assiette de Nathanaël comme pour l'inviter à quitter ses esquives, mais cela ne parut pas être très utile puisqu'il demeurait clos à la conversation. « Arrête de faire ça, t'es chiant.
- Nathanaël, un avis de défi comme celui-ci ne doit être négligé.
- Ecoute, j'en ai strictement rien à battre du fait que quelqu'un veuille me tabasser.
- Nous donner une correction, » répéta Sylvain, avec une emphase sur le premier mot. « Quand avons-nous pu nous attirer tel adversaire ?
- Tu veux dire plutôt, lequel d'entre eux est suffisamment con pour nous inviter bien gentiment à sa séance de tabassage matinale ? » Le regard sévère du Feunard ne convaincut nullement son leader, qui reprit sa dégustation avec concentration. Entre deux bouchées, il grogna : « T'en occupes pas, Sylvain. C'est peut-être la première mais ce sera pas la dernière. Franchement, je doute qu'il mettra ses menaces à exécution... on ferait mieux de passer notre tour.
- Et entamer notre honneur ? Nathanaël, cela équivaudra à fuir le défi !
- Tu parles de défi, mais tu crois sérieusement qu'il va nous défier à la loyale ? Mec, soyons honnêtes : ce type nous attend avec un piège sur place et nous fera toutes sortes de saloperies dès qu'on y sera. Alors on l'ignore et on fait une mission toute mignonne, okay ? » Sylvain se résigna, tirant la lettre vers lui et faisant volte-face pour retourner à ses lectures de courrier. Il avait été fortement ébranlé par la découverte du message -il n'était pas à sa première menace, bien entendu, mais le fait que Nathanaël et lui le soient ensemble l'avait surpris davantage qu'on n'aurait pu le croire.

Mais le Feunard, toujours troublé, continua à insister, marmonnant : « Tout de même, je me demande bien qui...
- On s'en fout, Sylvain, pour la cinquante-sixième fois.
- Mais voyons, Nathanaël ! N'es-tu point curieux de...
- Nah, je m'en bats actuellement tout ce que tu peux imaginer. Si quelqu'un a du temps à perdre avec de la rancune, c'est son problème et pas le mien. » Il ajouta, après quelques instants : « Si tu te laisses bouffer par des trucs aussi inutiles, t'iras pas loin en tant qu'explorateur. Passe à autre chose, franchement. » Sylvain soupira et se résigna enfin, continuant à trier son courrier. Son partenaire termina son plat en ronchonnant mentalement. Pourquoi est-ce qu'il s'acharne à s'occuper de détails pareils ? Des ennemis, j'en ai masse, maintenant... Depuis que Sylvain m'a officiellement rejoint, on a eu le temps d'en croiser, des bandits et des types pas recommandables. Un mois, déjà, d’ailleurs… Et j’ai toujours pas avancé par rapport à un moyen de rentrer chez moi. Déprimant. Pour se changer les idées, il demanda : « Sinon, est-ce qu'un de nos clients nous a renvoyé une mission ? »

Sylvain ne répondit pas, occupé à lire un message. Devant l’insistance, il marmonna enfin : « Hum... oui. Prairie Luxuriante.
- Bon, on prend, tu me feras le speech sur place. » Il était beaucoup plus doué pour la paperasse et les tâches administratives que lui, donc il le laissait choisir les missions. De plus, le Feunard avait un talent presque étrange pour sélectionner les tâches qui combinaient tant une difficulté pauvre qu'une haute récompense. Un combo gagnant aux yeux de Nathanaël, qui aimait quand il n'avait pas à se compliquer la vie.

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'PNJ' :

(étage 1)

Cependant, les probabilités n'étaient visiblement pas de son côté ; sitôt avaient-ils atteint la Prairie qu'une horde de Pokémon plante s'en étaient pris à eux. Et par horde, il fallait entendre plus d'une cinquantaine de petits Pokémon agressifs et hostiles qui s'étaient attaqués à Nathanaël et Sylvain. Heureusement, les deux explorateurs, grâce à leurs pouvoirs, étaient parvenus à repousser leurs adversaires sans grande peine. Mais malgré tout, le Matoufeu demeurait singulièrement étonné d'une telle escarmouche. « C'est fou quand même, d'habitude ils sont pas si hostiles... Tu penses qu'il y a un truc qui les excite comme ça ?
- Je l'ignore... peut-être n'est-ce simplement pas un bon jour pour eux ?
- Hmph, » soupira le leader avec un roulement d'yeux face à cet argument assez discutable. « Bref, c'était quoi le but de la mission ?
- Il faut atteindre l'autre extrémité de la prairie, assez simplement.
- Pour ?
- Pardon ?
- Eh bien, pour quoi faire. C'est un sauvetage, une livraison, une récupération d'objet...? » Sylvain ne répondit pas immédiatement, tournant le regard vers derrière eux comme s'il avait cru apercevoir un ennemi. Nathanaël plissa les yeux en croyant y voir une technique de fuite face à la question. « Eh, tu vas me répondre ou...?
- Excuse-moi, » bafouilla le Feunard en regardant à nouveau Nathanaël. « J'ai cru voir une ombre, c'est tout.
- Une ombre ? Style, un Pokémon ténèbres ou spectre ?
- Non, non, bien loin de là... Je pensais avoir aperçu... »

Il n'acheva pas sa phrase, mais il n'eut pas besoin de le faire pour que Nathanaël ne comprenne à qui il faisait référence. « Celui que tu penses qui a buté la Galopa, c'est ça ?
- Oui, c'est... c'est bien cela, oui. » N'ayant rien vu, son partenaire restait stoïque. Depuis que Sylvain lui avait raconté cette histoire-là, il avait bien du mal à y croire. Il n'avait pas tué le Galopa, bien évidemment, mais il se demandait vraiment si le coupable serait revenu près du corps tant de temps après avoir accompli son crime. Depuis, le Feunard voyait assez régulièrement des silhouettes s'y apparentant. Nathanaël mettait toutes ces visions sur le compte de la paranoïa, voire comme étant des excuses. « Ceci étant dit... mes yeux doivent certainement me jouer des tours.
- Tu devrais peut-être prendre quelques jours de repos, après cette mission... » marmonna Nathanaël, sincèrement inquiété pour son équipier. « T'as pas l'habitude de faire autant d'efforts. Tu passes d'une vie d'intello casanier à celle d'aventurier combattant en peu de temps, te faut un peu de vacances.
- Je... je n'ose envisager de te laisser repartir seul en mission. Je te l'avais dit.
- Bah! Au pire je prendrais des vacances aussi. J'ai toujours envie d'aller à ces fameuses Sources Chaudes dont tu m'as parlé. Vu tout le fric qu'on a eu récemment, l'équipe a bien les moyens de faire une petite pause !
- Ne désirais-tu pas économiser pour améliorer la base...? » s’étonna Sylvain, inquiet. Nathanaël avait strictement refusé que le noble ne verse un seul Poké de ses ressources personnelles à la caisse de l'équipe, affirmant qu'il en donnait suffisamment et qu'il préférait que leurs affaires soient payées avec les récompenses des missions. « Si nous partons en vacances...
- Eh, j'ai dit que JE partais en vacances aux sources chaudes, pas toi ! Tu serais capable de fondre. »

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'PNJ' :

(étage 2)

Si Sylvain fut affecté par la moquerie, il ne le montra pas, préférant tourner un regard soucieux vers l'horizon, et prendre un ton assez sérieux, changeant de sujet : « Nathanaël, il est... peut-être temps que je te parle d'une matière importante.
- Vas-y ? fit-il, même s'il était assez méfiant face à un tel changement d'ambiance.
- Te souviens-tu du jour où nous t'avons retrouvé, effondré, sous les arbres...?
- Bien sûr que je m'en souviens, eh. Qu'est-ce qu'il y a, et surtout pourquoi tu ne voulais pas m'en parler avant ?
- J'y viendrai, mais... Sache que... je te pensais mort.
- Ouais, bah je m'en doute bien, sinon tu serais pas venu me chercher...
- Nathanaël, ce n'est point ça... » Il passa devant lui et tendit sa patte pour l'arrêter. « Tu... tu es supposé être mort.
- Ah. » Il plissa les yeux, soudain suspicieux. « Ca te dit de m'expliquer un peu plus en détail ? Parce que là je comprends pas trop.
- Les Tapisseries du Destin... représentent... la vie des habitants de ce monde. Chaque fil est une personne, et chaque croisement, chaque maille, chaque frottement... ce sont les relations que les gens entretiennent. Seulement... tu n'es pas représenté dans cette Tapisserie.
- Bah c'est quoi le souci ? Je suis humain, tu sais. C'est pas si étonnant.
- Ma grand-mère est celle qui a trouvé les Tapisseries ; avec mon grand-père humain. Elle... enfin, il était représenté dessus.
- Wow wow wow. Tu veux dire que le héros de la légende est sur ces Tapisseries mais pas moi ?
- C'est... oui, c'est bien cela. Et... je les ai relues ce matin, avant que nous partions en mission. Tu... tu n'y es toujours pas. »

Nathanaël allait remettre en question la méthode de lecture de Sylvain sur ce qui n'était pour lui qu'un tapis multicolore, mais il se retint. La remarque sarcastique ne manqua pas de sortir malgré tout : « Et donc sous prétexte que ton morceau de tissu m'a pas dessus, c'est censé me déterminer comme étant mort ?
- C'est... oui, c'est bien cela. Te souviens-tu des Pokémon qui viennent me consulter de façon régulière ? Il ne s’agit là que de gens venant me reporter des cas de disparitions. Ils viennent pour que... que je détermine si ceux qu'ils recherchent... sont encore de notre monde.
- Okaaaay, je comprends mieux. Bon, admettons que... » Cela lui semblait complètement stupide puisqu'il se sentait en vie, mais il allait croire Sylvain puisqu'il semblait réellement persuadé de ce qu'il disait et n'était vraiment pas du genre à faire de mauvaises plaisanteries. « ... tu aies raison. Si je suis censé être mort... Pourquoi je le suis pas ?
- Je... je l'ignore, Nathanaël. J'aimerais avoir les réponses à ces questions, mais ton cas est unique. J'ai lu les fils de toutes les personnes que je connaissais pour savoir s'il y en avait une identique, mais... non, tu es bel et bien seul. » Cette histoire lui semblait totalement tirée par les poils et il n'y accordait qu'assez peu de crédit puisque cela touchait à un artéfact qu'il n'avait jamais vu en fonctionnement, si seulement il y en avait un. « J'ai d'abord pensé qu'il annonçait ta mort à venir, mais... non. Les Tapisseries ne fonctionnent pas ainsi, elles n'avaient pas prédit la disparition de Grand-Père quand bien même ils les ont obtenues peu avant cet événement. C'est d'ailleurs ainsi que Grand-Mère a pu déterminer qu'il nous avait quitté... » Il soupira. « Pardonne-moi.
- La vraie question c'est : pourquoi tu me racontes ça maintenant ? Je veux dire, y avait genre mille occasions de le faire, alors pourquoi ici et aujourd'hui ?
- Je n'avais jamais vraiment eu le courage auparavant. » Il s'arrêta, baissant les yeux et les oreilles, apparemment abattu. « Néanmoins, en ce jour... j'ai décidé d'enfin prendre des décisions par moi-même. Pour toi, et pour moi. Cela me semblait être tout à fait une bonne occasion. »

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'PNJ' :

(étage 3)

En soi, le raisonnement de Sylvain était parfaitement logique. Nathanaël n'avait plus vraiment de questions lui poser, si ce n'était pourquoi il avait décidé, aujourd'hui spécifiquement, de "prendre des décisions". Qu'est-ce que cela veut dire ? Il veut lancer une mutinerie, un truc du genre ? S'il décide de plus suivre mes ordres, il sait qu'il jartera sitôt la mission finie. Le Matoufeu n'avait pas peur de défier le Feunard en combat singulier, si c'était vraiment nécessaire pour calmer une éventuelle rébellion. Il avait l'avantage tant en expérience, qu'en force brute et en matière de type. Le feu faisait fondre la glace. Même si Sylvain était malin et chercherait à le dépasser en termes de stratégies et d'emplois de l'environnement, l'issue du combat pouvait être annoncée avant même qu'il ne démarre. De cela, Nathanaël en était certain. "Et sinon, en dehors du motif de la mission, y a quoi d'autre que tu me caches ?" Gémissement de surprise. Sylvain venait de réaliser qu'il ne pouvait pas non plus prendre le Matoufeu pour un imbécile. "Non mais parce que tu peux te foutre de la gueule de qui tu veux, vu comment tu parles bien, mais essayer de m'arnaquer alors que j'ai quand même pris le temps de lire le lieu de l'avis de défi, c'est un peu osé. J'espérais que t'avouerais par toi-même, mais non.

- M-m-mais !" bégaya-t-il, essayant de marcher aux côtés de Nathanaël, qui accélérait. "N'avais-tu pas dit que tu ne voulais pas lire...? Et... pourquoi es-tu venu jusqu'ici si tu savais que...?

- Tu sais, je me suis grave fait chier à t'attendre en bas pendant que tu potassais tes Tapisseries. Fallait bien que je m'occupe. J'en ai profité pour lire un coup. Et pour la mission..." Il s'arrêta, un sourire narquois sur le coin de la gueule. "Si je t'avais envoyé te faire foutre, la question d'hospitalité aurait été compliquée. J'ai donc préféré t'accompagner jusque là-bas, et te laisser gérer le défi seul.

- Q-q-quoi ?! Mais je...

- TU voulais répondre à ce duel !" s'écria Nathanaël en se plantant devant lui pour presque glisser une griffe sous sa gorge. Ses yeux brûlaient d'une colère inextinguible, et s'il n'avait pas été contrôlé par le fait que Sylvain lui était indispensable, il lui aurait collé une raclée sans plus attendre. "TU m'as menti, TU m'as désobéi en prenant TES décisions ! Alors TU vas assumer TES conneries, parce que je ne vais pas t'aider TOI à le faire. Je me fous complètement de l'honneur ou de ce que les gens peuvent penser de moi, contrairement à toi !" C'était faux ; l'un comme l'autre le savaient. Néanmoins, Sylvain comme Nathanaël avaient aussi la connaissance que ce dernier ne portait de l'attention qu'aux compliments, pas aux menaces ou aux critiques. "Donc maintenant je vais faire mon job de leader, c'est-à-dire te faire comprendre qu'on ne ME désobéit pas !" Il s'arrêta lorsqu'une pierre roula à ses pattes. "Merde," grogna-t-il avant de faire un bond dans les airs pour éviter une redoutable attaque aérienne. C'était un Étouraptor. "PUTAIN !" hurla-t-il lorsqu'une vague formée de l'humidité de l'air le ramena au sol dans un claquement furieux. Il passa sa patte sur les yeux pour en chasser l'eau, complètement trempé, et poussa un cri de rage. "Je vais... vous faire... LA PEAU !"

Sylvain avait déguerpi ; il était désormais seul face à trois figures qu'il connaissait d'ores et déjà, bien qu'elles n'étaient que des oubliées jusqu'à présent. C'étaient les trois brigands qu'il avait arrêté avec le Pandarbare alors qu'il était à la recherche du Galopa. "Bordel, qu'est-ce que vous voulez ?!

- La personne qui vous recherche nous paye sacrément cher pour te faire la peau. Et ça tombe bien, on n'attendait plus que ça."

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'PNJ' :

(étage 4)

La situation pouvait difficilement plus mal tourner. Nathanaël savait qu'il avait la possibilité de gagner ce duel, mais il était déjà affaibli à peine celui-ci entamé et ses adversaires avaient l'avantage de la hauteur. Ils allaient purement et simplement le laminer s'il ne parvenait pas à agir comme il le fallait ! Dans cet objectif, il se redressa, secoua sa fourrure, et répondit sans plus attendre à la provocation de ses adversaires. "J'ai l'habitude d'affronter des chiens en tant que chat, mais ça dépasse toutes mes espérances ! Je vais tellement vous péter la gueule que toute votre paye passera dans les réparations !" La provocation fit son effet à merveille ; les trois s'élancèrent sans plus réfléchir sur Nathanaël, qui profita de ce bref instant pour tracer un cercle de feu dans l'herbe autour de lui. Ses adversaires se jetèrent dedans avec pour but de le cisailler ; mais ils ne trouvèrent au centre des flammes qu'un tas de d'herbe brûlées. Le Méganium, qui souffrait déjà d'une brûlure, fit quelques pas en arrière, pour tenter de s'éteindre, son camarade Flingouste éteignant les flammes qui tentaient de le ronger. L'Étouraptor guettait les alentours, sans comprendre où leur cible était passée. Il leur suffit pourtant de lever le regard vers le haut de la colline pour comprendre.

Il les avait simplement contourné en se tapissant dans l'herbe, tel un chasseur. Désormais sur les sommets, il avait activé sa gemme de pouvoir, qui s'illuminait d'un grand faisceau rouge. "Mélodie de Pélé," murmura-t-il, la guitare de feu apparaissant bien assez vite entre ses pattes. Le leader volatile, comprenant ce qu'il était en train de faire, battit des ailes et déploya toute sa puissance dans une attaque qui avait pour but de le stopper ; mais lorsque son aile se trouva à quelques centimètres du museau de Nathanaël, elle fut déchirée par une bourrasque de feu et de fumée issue d'un grattage brutal des cordes. Le Pokémon roula jusqu'en bas de la colline tandis que le brasier qui entourait le Matoufeu grandissait en puissance et en intensité, nourri par sa rage. Il voyait en ses ennemis l'image de Sylvain, il les entendait lui supplier la pitié pour leur vaine tentative de s'en prendre à lui.

Il leur offrit un concert comme ils n'en avaient jamais entendu.

Lorsqu'enfin les bruits de la guitare cessèrent de troubler la Plaine Luxuriante, Nathanaël se laissa retomber sur quatre pattes, sa colère pleinement libérée. Il fixa en contrebas les pauvres loques qui, quelques minutes avant, pensaient avoir une chance de lui coller une raclée. Après quelques secondes à leur adresser tout le mépris du monde, il se décida malgré tout à contacter la Brigade pour leur signaler l'emplacement des hors-la-loi. Ils s'étaient évadés. "Sécurité de merde," grogna-t-il après avoir raccroché. Cette sortie devrait définitivement les avoir dissuadés de ne pas purger leurs peines jusqu'au bout. Nathanaël ne resta même pas jusqu'à l'arrivée des brigadiers. Au vu de l'état de ses adversaires, ça ne servait strictement à rien. Ils ne bougeaient pas. Il partit simplement à la recherche de Sylvain, titubant un peu à cause de la fatigue.

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'PNJ' :

(étage 5)

Quelques minutes de marche plus tard, il vit des ronces en train de ronger le sol qui l'entourait. Celles-ci n'étaient clairement pas d'origine naturelle ; sa tentative échouée de les enflammer confirma son hypothèse. Il tenta de faire demi-tour mais se heurta à une paroi infranchissable. La fatigue l'empêcha d'atteindre à temps l'autre bout de la cage qui s'était dressée autour de lui. Il se retrouva bientôt enfermé dans une boîte de ronces, à moitié dans l'obscurité, incapable de se libérer. Alors qu'il allait se pencher sur le sol pour tenter une percée, celui-ci s'ouvrit sous ses pattes et il bascula dans le monde des ombres.

Quelques roulades et heurts sur les pierres lui indiquèrent sur la chute n'avait pas été mortelle. Il se demanda quelques secondes s'il ne l'aurait pas préféré, tant son corps lui faisait mal. Il se redressa, titubant, le regard vague, et essaya de comprendre la situation. Dans l'ombre, une personne le fixait avec un regard mauvais, ses yeux verts luisant comme des torches. Il y lut une rage et une impatience notable. Il s'avança vers elle, traînant des pattes. « Bon... Je suis pas trop en état pour un duel. On peut pas, genre, remettre ça à plus tard, pour être fair-play ? Ou n'impor- » Une lame siffla à côté de son oreille et cela réveilla tant ses muscles que son esprit. Un coup d'adrénaline, relancé par l'instinct de survie, lui permit de mettre de côté la douleur pour tenter de comprendre quelle créature se cachait dans l'ombre. « Donc t'es pas trop dans l'honneur et ce genre de trucs, hein ?
- Cela nous fait un point commun...! » murmure une voix douce et féminine, presque excitée de pouvoir répondre. « Arceus me pardonnera, mais la vengeance est une saveur que j'ai tant besoin de connaître...
- Boarf, c'est assez chiant, la vengeance. Enfin, c'est surtout chiant quand c'est de toi qu'on veut se venger. Tu veux pas plutôt qu'on voie ça autour d'un verre, ou tu tiens vraiment au côté dramatique d'un combat à mort...? Parce que tu voulais moi et Sylvain, donc s'il est pas là ça vaut peut-être pas la peine d'aller jusqu'au bout de ton trip. »

Une silhouette roula jusque dans la lumière accordée par le trou creusé dans le sol. C'était Sylvain. Il était dans un pitoyable état, lacéré de partout et couvert de boue et de poussière. En le voyant ainsi, Nathanaël eut un haut-le-cœur ; son corps entier fut parcouru par une rage immense, mais son cerveau s'embruma dans un mélange de crainte et de regret. Il se jeta nerveusement sur son compagnon, vérifiant avec empressement son état de santé. « Je ne l'ai pas tué. Pas encore. Je voulais vous achever ensemble... » Haletant, le Matoufeu leva les yeux vers son ennemie. Son grelot carillonnait et luisait dans l'ombre, lui donnant un air plus monstrueux que jamais. « Je vois que l'idée d'un combat à mort t'est plus alléchante désormais.
- T'es qui, salope ?
- Si je disais mon nom, tu ne me reconnaîtrais pas. Alors optons par quelque chose de plus... simple. » Elle s'avança dans la lumière. Certaines parties de son corps montraient de cruelles traces de brûlure, mais elle ne lui évoquait pas vraiment qui que ce soit. « Je suis celle dont tu as fait fuir la sœur jumelle durant ta première mission, et que tu as jetée en prison. Celle que tu as trahie alors qu'elle t'avait supplié de les couvrir, celle que tu as sacrifiée au nom de ta liberté. » Elle se pencha, de dangereuses ronces sortant du sol et commençant à inonder la caverne, les entourant de piques plus acérées les unes que les autres. « Et grâce à l'aide d'une nouvelle amie... Je m'en vais te la reprendre définitivement.
- ...Gladys. »

Long silence. La créature baissa les bras, dépitée, fixant Nathanaël pendant quelques secondes avant de répliquer : « C'était ma sœur. Mon nom, c'est Natasha.
- J'appelais juste le fantôme de la personne à laquelle t'allais bientôt rendre visite, pétasse ! » se rattrapa-t-il avant de prendre appui sur Sylvain pour cracher un torrent de flammes depuis les airs sur la créature végétale qui se pavanait, mais des ronces surgirent des murs pour la protéger. « Bordel de merde ! » hurla-t-il en tirant le Feunard de Glace loin de celles-ci, avant qu'elles ne le blessent davantage.

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'PNJ' :

Un coup de ronces le projeta bientôt au milieu des épines, et il eut la douloureuse et désagréable sensation de les avoir plantées dans le flanc. Il hésita à s'en décrocher ; il savait que cela ne ferait qu'aggraver la perte de sang ; mais ses tentatives d'enflammer les ronces s'avérèrent infructueuses. Celles-ci étaient ignifugées, sans qu'il ne comprenne tout d'abord pourquoi. Un rapide examen lui indiqua qu'elles étaient couvertes d'une épaisse boue qui les protégeait efficacement. Elle n'était pas d'origine naturelle, suggérant qu'un Pokémon devait les avoir spécifiquement protégées. Quand cette peste parle d'amie, est-ce que c'est son alliée...?

Il regarda devant lui : Sylvain essayait vainement de se remettre debout, se tirant sur le sol pour s'éloigner des coups de ronces qui se multipliaient. Leur assaillante se concentrait cependant sur Nathanaël, ce qui le força à se décrocher bien assez vite des épines qui étaient toujours en lui. Il miaula de douleur ce faisant, et la couleur du sang qui se répandait dans sa fourrure lui donnait la migraine. C'est pas pareil que d'habitude. Là, elle veut vraiment nous tuer. Il avait connu des prétendus affrontements à mort, des combats ardus, mais jamais quelqu'un n'avait été aussi déterminé à simplement mettre un terme à leur vie.

Il était à court d'options, car ses tentatives d'enflammer les alentours échouèrent à chaque fois. Il se faisait balayer de tous côtés, roulait dans la boue, se retrouvait couvert de crasse. Il avait été beaucoup trop affaibli par l'usage de sa gemme et la chute qui avait suivi. Ses nombreuses lacérations dues aux ronces n'améliorèrent pas son cas : bientôt, son grelot cessa de sonner et s'éteignit. Il était tombé à court de carburant, et il savait qu'il n'en aurait plus avant une heure. Mais d'ici une heure, je serai mort, si ça continue comme ça... Mort. Il n'avait jamais envisagé cette idée-là jusqu'à présent. Et s'il allait vraiment mourir, cette fois ?

Sylvain s'était tiré dans un coin de la pièce, laissant Nathanaël gérer les esquives et le combat pendant qu'il essayait de panser ses blessures. Quel putain d'égoïste ! pensa le Matoufeu tout en se faisant entailler la patte avant droite. Il savait que le Feunard de Glace était celui qui les avait mis dans cette situation, et il lui en voulait terriblement. La seule chose dont il pensait avoir désormais envie, c'était d'aller l'achever lui-même. Mais il ne s'en sentait ni la force ni la réelle motivation. Son cœur parut s'arrêter quand il vit qu'une ronce venait de transpercer Sylvain au niveau du flanc et qu'il s'était effondré au sol, sans un mouvement.

...

Il est vraiment mort ? Nathanaël bondit jusqu'à lui, mais Natasha le balaya à l'aide d'une lame végétale plantée droit dans la poitrine. Il s'effondra dans la poussière et se laissa sur le côté. Il avait mal partout, il avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. Leur adversaire, victorieuse, s'approcha et posa un pied sur lui, comme pour le ridiculiser une dernière fois. « J'ai fini ma chasse. J'ai vengé ma sœur... Je me suis vengée. » Nathanaël cracha un peu de sang, en essayant de répondre. Un sourire sadique s'inscrivit sur le visage de la criminelle, qui prenait un plaisir malsain à le voir souffrir. « Tu n'implores pas ma pitié ? Tu ne cherches pas à être épargné ? » Elle lui met un coup de poing dans la figure. « Non... Tu es trop fier pour ça, hein ? » Nouveau coup de poing. Une canine du Matoufeu se décrocha sous le choc. « Depuis que je suis devenue Sucreine, je n'ai plus peur de toi... ni du feu... ni de personne. »

Il voulait répondre ; il avait déjà les mots qui se formulaient dans son esprit, quand bien même celui-ci était embrumé tant par la douleur que par la fatigue. Néanmoins, son corps s'y refusait, comme s'il avait, lui, compris qu'épuiser le peu d'énergie qu'il lui restait à lutter verbalement était vain et stupide. Elle n'attendait que ça, de l'entendre se débattre, de montrer à quel point il était impuissant et elle le dominait. Il pensait qu'il ne lui donnerait pas sa satisfaction en montrant que, même dans la mort, son âme restait insoumise. Cependant, Natasha avait bien d'autres préoccupations que de savoir son état d'esprit. Elle s'était détachée de tout ce que nous qualifierions "d'humanité", de tout ce qui pourrait l'associer à une quelconque civilisation.

À cet instant précis, Nathanaël comprit plus que jamais la finesse de la ligne qui séparait l'animal du civilisé. Un trop-plein d'émotions et c'était se rabaisser à celui qui ne vivait que par une sauvagerie sans nom.

Peut-être était-ce le choc sur la tête et le fait qu'il se sentait flotter qui lui permettait d'accéder à de telles considérations. Il ne s'était jamais réellement posé quelques secondes pour réfléchir, toujours dans l'action ou la réaction. Ici, il n'avait le pouvoir d'effectuer ni l'un ni l'autre. Les mots de la Sucreine se faisaient flous. Le décor sombre ne s'embrumait que davantage dans les ténèbres. Un froid dévorant montait dans son corps, inhibant sa souffrance et sa conscience. Il ne ressentait déjà plus les coups suivis de Natasha. Tout ceci n'avait déjà plus d'importance. Il savait qu'il allait mourir.

C'était peut-être mieux comme ça.

"Tu ... tués ?! CRÉTINE ! Il fallait ... en vie !
- Je ne ... PAS de m'insulter ... qui voulais que je gère ... seule !" Le bruit de coup qui suivit agit comme une baffe sur la conscience de Nathanaël, qui ouvrit les yeux d'un coup. J'ai survécu ? Son corps était engourdi, sa gueule était pleine de sang, il avait mal partout... Mais il parvenait enfin à respirer. Ses plaies avaient apparemment coagulé ; les blessures des Pokémon avaient la chance de cicatriser très rapidement. Mais cela voulait malgré tout dire qu'il était là depuis un bon moment. Il essaya de distinguer les voix plus clairement, tendant l'oreille. "PUTAIN ! Pourquoi tu me frappes, salope ?! J'ai fait ce que tu m'as demandé !
- Il faut que ce soit moi qui bute le chat !
- Et alors ?! C'est du pareil au même ! J'avais pas prévu qu'il claque entre mes pattes parce que je le tabassais ! Je le pensais plus résistant que ça, ce con !
- Attends, il saigne de partout, il a des bleus sur tout le corps, une dague plantée dans la poitrine, et TU PENSAIS QU'IL ALLAIT SURVIVRE À TES COUPS ?! Je t'ai laissé la satisfaction de tabasser les deux, mais je t'avais dit que je DEVAIS achever le chat ! Et t'as pas tenu ta part du marché !
- Mais pourquoi ça compte tellement pour toi ?! C'est bon, il est mort, tu peux aller exploser son cadavre si tu veux ! J'ai vérifié son pouls, il est MORT !" Hein...? Il essaya de bouger quelque chose ; un doigt. Non, non... Il n'était pas un fantôme, il était bien dans son corps, il était toujours vivant. Il cligna des yeux longtemps, d'incompréhension et de souffrance. "Le noble est toujours en vie, si tu veux.
- J'en ai strictement rien à foutre de lui ! Je te jure, si par ta faute j'ai toujours ma demi-vie, JE TE PLANTE LA GUEULE !" Natasha cracha en réponse. L'interlocutrice, que Nathanaël distinguait comme être un gigantesque quadrupède dans la pénombre, s'éloigna par une galerie éclairée par des torches. Ils avaient été bougés...?

Il vit bientôt qu'il était seul dans la galerie. De rage, l'une comme l'autre venaient de partir dans des directions opposées. Nathanaël se risqua à se redresser ; ses os craquèrent et il retint un hurlement de douleur. Il ne pouvait pas se permettre de se faire remarquer, pas maintenant. Il essaya de regarder aux alentours. Sa tête lui tournait, sa vision était brouillée. Il crut distinguer la silhouette de Sylvain, attaché par des liens solides. Le Matoufeu se traîna jusqu'à lui et commença à les ronger, pour le libérer. Il ne réfléchissait plus. Il agissait par instinct de survie, par simple volonté de partir d'ici. Le reste n'avait proprement aucune importance. Quelques secondes d'acharnement s'avérèrent fatales pour les lambeaux de corde qui volèrent en morceaux au milieu de la boue. « Sylvain... » marmonna-t-il, la voix rauque et usée par la douleur. « Sylvain, réveille-toi... » Le noble ouvrit un œil épuisé, le regardant sans comprendre.

« Nathanaël, où...
- Moins fort... » grogna-t-il, chuchotant. « Lève-toi...
- J'ai mal...
- Il faut que tu me portes... » Il était dans un piteux état. Deux de ses pattes étaient probablement cassées, et il avait gravement souffert de l'hémorragie. « Je t'en supplie, fais un effort... » Sylvain ferma les yeux et fronça le museau, serrant les crocs. Il semblait avoir dépassé ses propres limites, mais Nathanaël ne pouvait pas accepter cela. S'il devait jouer sur les sentiments pour s'en tirer, alors il n'hésiterait pas. « Sylvain... Je t'aime et j'ai besoin de toi... Sors-nous de là... » Les mots lui avaient été particulièrement difficiles à formuler ; tant par fierté personnelle que par le fait qu'il n'arrivait pas à parler à correctement, dans son état.

Ils firent cependant leur effet ; le Feunard de Glace se hissa difficilement sur ses quatre pattes, et attrapa Nathanaël par la peau du cou pour le faire monter sur son dos. Il titubait, tant sous le poids de la fatigue que celui du Matoufeu, mais au moins il était capable d'avancer. Il était impossible de savoir si leurs deux adversaires étaient encore dans les parages, mais ils n'avaient de toute façon pas le choix. Par défaut, ils suivirent le seul chemin qu'elles n'avaient pas emprunté. La remontée se fit dans un silence absolu, l'un comme l'autre peinant à rester conscients face à leur supplice. Lorsqu'ils émergèrent en surface, ce fut à la lueur de la lune. « Où allons-nous...? » haleta Sylvain. « Dans ces plaines, si elles nous voient...
- On... pose-moi au sol... On devrait être assez loin d'oreille... » Il posa sa patte gauche, la seule encore en état, sur sa sacoche, pour l'ouvrit d'un mouvement hésitant. Il en tira le Gadget d'Explorateur ; il était fissuré de toutes parts, mais encore fonctionnel. Une vérification des messages lui informa que Orina n'avait cessé de leur en envoyer depuis plusieurs heures. « Il est trois heures du matin... On est restés si longtemps out...?
- Peu importe, nous devons rentrer... Nous devons trouver la sortie, et vite... » Nathanaël regarda la fonction d'appel au secours. Non, il ne pouvait décidément pas se résoudre à l'activer, quand bien même leur situation était critique. Ils allaient s'en tirer, sans l'aide de personne. Leur volonté suffirait amplement à leur échappée.

S'échapper. Ils fuyaient. Nathanaël serra les crocs imperceptiblement, tandis que Sylvain reprenait la route. Non pas pour la souffrance, non pas pour la fatigue, mais bien pour la colère. Il était furieux, tant envers lui qu'envers Sylvain, Natasha, et cette quadrupède inconnue. Ils étaient forcés de fuir pour échapper à une mort qu'ils avaient côtoyé de bien trop près. Il savait que la prochaine fois, il n'aurait pas le droit à autant de clémence, tant de leurs ennemis que du destin. La prochaine fois, il périrait certainement.

Il ferma les yeux et se laissa emporter par la fatigue. Il ne voulait pas avoir confiance en Sylvain, mais il savait qu'il n'avait plus le choix.

HRP: