La Latias émergea encore une fois de son sommeil, jamais elle ne se serait doutée que des blessures qui ne mettaient pas sa vie en danger la laisserait dans un tel état. S’étirant avec grande précaution, elle bailla. Cette fois, le Feurisson n’était pas là pour l’accueillir, ce que s'attristait. Mais, comme la femelle le savait, il ne fallait pas trop s’attacher à quoi ou qui que ce soit; Elle reprendrait peut être bientôt la route. Qui sait ou le chemin la mènerait? Ce fut la dure vérité, ou plutôt, sa vérité. A n’importe quel moment, la femelle avait le droit de tout laisser tomber, d’enfin commencer à vivre. Mais comment? Elle ne s’est jamais posée la question. Plusieures fois, Gartor voulu cesser ces recherches qui ne donneraient sûrement lieu à rien; Mais la question l'empêchait de trouver le sommeil, même durant plusieurs jours. Seul avancer lui permettait de trouver un peu de repos, ironiquement.

Elle tourna la tête à sa droite, observant le ciel noir de par la fenêtre. La femelle voulu se lever; Mais la douleur lui interdisait. Certes, techniquement, même voler était possible, mais se faire violence ne lui semblait pas être fort raisonnable. Le Feurisson traversa encore ses pensées. Mais la porte s’ouvrit, et deux agents entrèrent dans la pièce.

“- Madame, nous sommes désolés de venir vous déranger en pleine nuit, mais nous avons plusieurs questions à vous poser concernant le fugitif que vous nous avez permis de capturer.
- Vous ne me dérangez pas. Je suis toute ouïe.
- Comment s’est déroulée votre rencontre avec lui?
- Et bien, je traversait le donjon, quand il m’attrapa de derrière, me projetant contre le mur… Ensuite, il m’a frappée au ventre. Il a lâché le Feurisson à terre, me menaçant de le tuer si je ne lui donnait pas toutes mes possessions, ce que j’ai fait. Mais le Feurisson lui a foncé dans le dos, et j’ai ensuite suivi avec des attaques. Voilà.
- Très bien. Vous savez quelque chose sur les personnes qui l’accompagnaient?
- Le Feurisson m’a dit que le Laggron s’en est débarrassé en les jetant dans l’eau après les avoir assommés.
- Je vois. Vous avez quelque chose à ajouter?
- Je ne crois pas, non.
- Je vous remercie de nous avoir accordé de votre temps. Nous vous souhaitons une bonne journée et bon rétablissement.”

Les deux Pokémon quittèrent ensuite la pièce avec un sourire, fermant doucement la porte. La Latias se frotta les yeux, tentant de reprendre ses esprits. Après tout, elle venu de froler la mort c’est vrai. Elle venait de juste de le réaliser. Et si ce Feurisson ne lui était pas venu en aide? Le Laggron l’aurait surement, vous aurez compris, avant de la tuer. Elle aurait pu finir noyée dans une rivière. Se vider de son sang au fond d’un sombre donjon, souillée. Toute cela traversa ses pensées. Mais le plus surprenant, pour elle, c’est qu’elle s’en moquait. Pourquoi, se dit-elle, n’ai-je pas eu peur? J'aurais dû être effrayée, craindre pour ma vie. Mais je ne pensais qu'à tuer. Je ne pensais qu'à avancer. A ne pas m'arrêter. Mais qu’est-ce qui ne va pas dans mon putain de cerveau? Suis-je un monstre dénuée de sentiments? Pourtant, j’ai senti toute la haine et la colère prendre contrôle de moi. Soyons honnêtes. S’il n’avait pas été là, je doute qu’on ai retrouvé un jour les ossements de l’autre malade. Mais est-ce que je suis comme lui? Juste que je n'avais jamais eu l’occasion de passer à l’acte? Si j’avais eu l’occasion je…

La porte s’ouvrit, et une sorte de Pokemon chat, couché dans un lit, fut installé à droite de la Latias, par une infirmière.

“- Je reviens, lui dit-elle. Reposez vous en attendant, conseille-t-elle, avant de quitter la pièce.”

La jeune femelle ne savait pas trop si elle devait lui adresser la parole, peut-être le Pokemon désirait-il ne pas être dérangé. Ou peut-être désirait-il avoir un peu de compagnie?

“- Bonsoir, dit-elle doucement. Moi, c’est Gartor, ravie de faire la connaissance de mon voisin de convalescence, plaisanta-t-elle. “

De longues minutes s’écoulèrent il vit deux membres de la Brigade passer devant lui, allant vers l’une des chambres ; un peu de temps après, quand les agents furent repartis, on lui accorda enfin un peu d’attention, à son grand soulagement. Il fut conduit dans la-dite chambre et installé sur un lit, la Guérilande lui affirmant qu’elle allait l’ausculter bientôt, mais qu’il fallait qu’elle prépare du matériel. Se laissant retomber sur le tas de paille, soulagé d’avoir enfin un endroit où se reposer, il regarda du coin de l’œil sa voisine de chambre. C’était une sorte de grosse créature blanche et rouge à l’air féminin, avec deux fines ailes poilues et petits bras. Elle était plutôt moche en fait. Vu les blessures elle avait, elle avait passé un sale quart d’heure. Peut-être parce qu’elle ressemblait à rien et qu’on l’avait tabassée, pensa Nathanaël en riant. D’une voix trop aiguë pour les oreilles du Flamiaou, elle déclara : « Bonsoir. Moi, c’est Gartor, ravie de faire la connaissance de mon voisin de convalescence !
- Ah. Salut. »

Nathanaël n’ajouta rien de plus ; notamment parce qu’il ne voyait pas l’intérêt de parler avec quelqu’un dont il se foutait monumentalement, et qu’il ne reverrait probablement plus jamais une fois qu’il serait guéri. La seule chose dont il avait envie, c’était de calme pour se remettre de son combat. Il avait mal partout : ses membres hurlaient, ses blessures semblaient ne pas trouver de repos dans leurs lancements répétés. Il posa sa tête sur ses pattes et s’efforça de fermer les yeux et de penser à autre chose. Mais à quoi ? Se demanda-t-il. Il avait l’impression d’être incapable de réfléchir à quoi que ce soit, car tout semblait le ramener à sa situation actuelle. Il était seul désormais, il allait devoir vivre de ses missions à partir de maintenant. Il allait lui falloir une base, du matériel, des contacts, s’il voulait réussir à s’en sortir. Néanmoins, sans autre plan plus précis, le Flamiaou se retrouvait seul. Il allait devoir avancer à l’aveugle. Il ajouta finalement :

« D’ailleurs, on est le matin, je te signale. Dire bonsoir c'est stupide. »

“-Ah. Salut. “

Le Pokemon n’avait pas l’air vraiment ouvert à la conversation. La Latias n’en fit donc rien; Importuner les autres n’était pas une de ses favorites activités. Elle bailla doucement, fixant le plafond, se perdant encore une fois dans ses pensées, se remémorant son enfance passée à l’orphelinat. Ses journées d’écoles, assise près de la fenêtre, sa légère fourrure caressée par les doux rayons du soleil. La femelle ne retenait que des beaux souvenirs; Les professeurs étaient très sympathiques, et l’étude de toutes choses avait toujours intéressé la Latias.

Venait ensuite les longs après-midis couchée dans l’herbe, à ne rien faire d’autre qu’observer les nuages qui passaient, à rêver de ce que serait sa vie si elle avait connu ses parents. Peut-être que ca serait mieux. Mais petite, elle se disait qu’elle ne pensait certainement pas à l’orphelinat, si la situation était inversée. Était-elle juste une ingrate qui n’était pas heureuse de ce qu’elle possédait?

Et venait ensuite les longues, longues, très très longues nuits. Ces dernières ne lui manquaient guère. Passer des heures sans dormir, à tenter de trouver le sommeil, pour être réveillée trois heures plus tard, à entendre qu’on doit plus dormir pour se sentir mieux. Autant dire à quelqu’un qui se sent mal de se jeter d’un pont, merci. Ce qui choqua le personnel de l’orphelinat, d’ailleurs. Et encore aujourd’hui, elle a encore souvent du mal à se reposer.

“ -D’ailleurs, on est le matin, je te signale. Dire bonsoir c'est stupide. “

Pardon? La Latias jeta un coup d’oeil par la fenêtre. En effet, il ne faisait pas nuit; Le soleil était en train de se lever. Perdait-elle la tête? Elle haussa un sourcil avant de répondre d’une petite voix:

“-Oui, c’est vrai. Je perds complètement la boule. Remarque, ce n’est pas nouveau, plaisanta la femelle.”

Puis elle jeta un regard rapide sur le chat, remarquant qu’il avait l’air lui aussi très mal en point. La porte s’ouvrit au même moment, laissant place à l'infirmière qui s'était occupée de la Latia. Mais elle se dirigea cette fois vers son nouveau compagnon de chambre.

Elle regarda par la fenêtre, s’étonna, et s’excusa, affirmant qu’elle perdait probablement la tête. Nathanaël se retint de lui dire qu’elle était bien loin d’être la première dans ce pays de timbrés, car l’infirmière venait déjà d’entrer pour l’examiner. Il se laissa faire et soulever, poussant des feulements agacés quand la Guérilande posait ses pattes sur un endroit douloureux. Il avait surtout des bleus à cause des coups qu’il avait reçus, mais ça ne voulait pas dire que c’était moins difficile à supporter que des lacérations. La guérisseuse lui demanda d’où venaient ces vilaines blessures ; il ne répondit pas, et se contenta de détourner la tête. Voyant qu’elle ne tirerait rien de lui, l’infirmière se contenta de faire son travail en apposant pommades et crèmes, avant de repartir en lui conseillant de se reposer quelques heures, car il était surtout fatigué. Réalisant que finalement, il aurait pu tout autant se débrouiller seul plutôt que de subir ses tripotements désagréables, le Flamiaou s’allongea à nouveau, soupirant.

Il repensa à Sylvain, qui ne l’avait pas payé. Il était parti en trombe et avait totalement oublié de lui demander la compensation financière dont Pijako avait parlé, et qui l’avait tant intéressé. Ce serait un bon départ pour essayer de se trouver un endroit plus stable où dormir. Il ne pourrait pas squatter l’hôpital éternellement, et en dépendre ne l’intéressait pas. Dès qu’il serait davantage en état de faire quelque chose, il retournerait à la Guilde pour récupérer une mission assez simple qui lui permettrait de gagner de l’argent. De préférence, sans avoir de client inutile qui lui collerait aux pattes. Il avait déjà un peu de mal à se défendre tout seul, alors s’il devait en plus protéger les autres… Il avait risqué sa vie pour le Feunard de Glace, qui ne lui avait même pas dit qu’il ne savait pas se battre. Bon, c’est vrai, lui-même ne savait pas le faire au début du donjon, mais il avait prévenu Sylvain et il avait appris sur le tas. S’apercevant que la créature voisine le fixait encore, il grogna : « C’est bon, t’as fini de me mater comme ça ? C’est pas vrai quoi, je peux même pas dormir tranquille... »

Sans même attendre de réponse, Nathanaël s’installa sur le flanc et tourna le dos à sa voisine de lit. La dernière chose dont il avait envie là tout de suite, c’était de sympathiser avec une personne qui n’était même pas capable de savoir quelle heure il était.